Je vais vous raconter ici l'histoire de l'un de ces jeunes Indochinois nés dans la "Colonie", arrachés de force à leur pays dans les années 40 afin de "participer à l’effort de guerre" dans les poudreries, les industries et les usines d’armement françaises.
Suite à la parution de mon article précédent qui évoquait l'histoire occultée des travailleurs indochinois en Camargue, l'un de mes lecteurs s'est manifesté pour me proposer des photos personnelles.
Des photos de l'histoire de son père qui a fait partie de cette migration venue d'Indochine.
Suite à la parution de mon article précédent qui évoquait l'histoire occultée des travailleurs indochinois en Camargue, l'un de mes lecteurs s'est manifesté pour me proposer des photos personnelles.
Des photos de l'histoire de son père qui a fait partie de cette migration venue d'Indochine.
J'ai évidemment aussitôt accepté, et eu envie d'écrire un article sur la vie de ce monsieur que je ne connaissais pas, né en Indochine française, enlevé à son pays à l'âge de 20 ans, devenu par la suite... Français...
La vie des travailleurs qui ont planté le riz en Camargue avait été mise en lumière au travers d'un livre et de deux films, mais il fallait aussi raconter celle des autres, ceux qui ont travaillé dans les usines et dans les champs.
Moi qui n'avais jamais entendu parler de cet épisode de l'Histoire de France jusqu'à ce que je regarde ce film documentaire à la TV... j'ai posé des questions... Pour comprendre ce qu'a pu être la vie de cet homme, j'ai fait des recherches dans l'Histoire.
Merci à Patrick BA de m'avoir transmis ces documents, et d'avoir témoigné de ce qu'il avait pu savoir de la vie de son père.
L'histoire de N'guyen Ba Don
Patrick m'a raconté :
"Mon père N'guyen BA DON est né le 1er Mai 1920 à Hoang Trung au Tonkin, canton de Cu Thang, dans la province de Phu-Tho, à 80 kms de Hanoï.
Il a été forcé de partir pour la France à l'âge de 20 ans, il était étudiant. Il est décédé en France en 1967, à quarante sept ans, après avoir fondé une famille et avoir pris la nationalité française."
La vie des travailleurs qui ont planté le riz en Camargue avait été mise en lumière au travers d'un livre et de deux films, mais il fallait aussi raconter celle des autres, ceux qui ont travaillé dans les usines et dans les champs.
Moi qui n'avais jamais entendu parler de cet épisode de l'Histoire de France jusqu'à ce que je regarde ce film documentaire à la TV... j'ai posé des questions... Pour comprendre ce qu'a pu être la vie de cet homme, j'ai fait des recherches dans l'Histoire.
Merci à Patrick BA de m'avoir transmis ces documents, et d'avoir témoigné de ce qu'il avait pu savoir de la vie de son père.
L'histoire de N'guyen Ba Don
Patrick m'a raconté :
"Mon père N'guyen BA DON est né le 1er Mai 1920 à Hoang Trung au Tonkin, canton de Cu Thang, dans la province de Phu-Tho, à 80 kms de Hanoï.
Il a été forcé de partir pour la France à l'âge de 20 ans, il était étudiant. Il est décédé en France en 1967, à quarante sept ans, après avoir fondé une famille et avoir pris la nationalité française."
Le père de Patrick, le voici : N'guyen Ba Don. Il est né en Indochine française.
Ses parents se nommaient N'guyen Ban Than et N'guyen Thi Thu.
Ses parents se nommaient N'guyen Ban Than et N'guyen Thi Thu.
Don (c'est son prénom) vivait au Tonkin, la région qui se trouve au nord de l'Indochine, autour de Hanoï jusqu'à la frontière avec la Chine...
C'est en 1858 qu'a eu lieu la première intervention des Français et qu'a debuté la conquête de la Cochinchine. Avant la colonisation française, Tonkin, Annam et Cochinchine appartenaient à l’empire du Vietnam. |
La venue d'une main-d'œuvre issue des colonies
"La venue de travailleurs issus des colonies avait démarré lors de la guerre 14-18. Ainsi, en 1914, le gouvernement français avait fait venir presque 200.000 travailleurs coloniaux, dont 49000 en provenance d'Indochine (et 30.000 de Chine).
Après la Première Guerre mondiale, la possibilité de faire venir une main-d'œuvre des colonies est anticipée : en 1926 paraissent les premiers textes qui seront complétés en 1934. On ouvre la possibilité de créer en cas de guerre un service de main d'œuvre indigène (MOI). Ce service dépendrait du ministère du travail chargé de recenser les besoins en ouvriers dans les usines participant à l'industrie de guerre.
Quatre ans plus tard, la loi du 11 juillet 1938 précise "l'organisation générale de la nation pour le temps de guerre". Mais le sort de la main d'œuvre coloniale est renvoyé à des règlements administratifs : "Des règlements d'administration publique déterminent les conditions dans lesquelles la loi sera applicable à l'Algérie et aux colonies." (Art 65).
La loi précise par ailleurs : "En vertu du principe que "tous les Français non soumis aux obligations militaires peuvent être réquisitionnés" (loi de 1938, art 14), en cas de refus, la punition sera une peine allant de 6 jours à 5 ans d'emprisonnement.
Point important, cette loi précise que la réquisition "ouvre droit à traitement et salaires (...) fixés sur la base des salaires normaux et courants (art 15)."
1939
Dès la première semaine de 1939, Georges Mandel, ministre des Colonies lance une véritable campagne de presse martelant son objectif de faire venir des colonies deux millions de soldats et 500.000 travailleurs.
Par sa proximité géographique, l'Algérie aurait dû être la principale source de main d'œuvre. Mais les colons s'y opposent. Finalement, les Indochinois seront 20.000 et les Algériens à peine 6000."
Le recrutement en Indochine
L'ordre est donné à l'administration de l'Indochine de recruter dans chaque village un nombre déterminé d'hommes.
Je cite :
"Le Général Catroux, Gouverneur Général, lance le recrutement localement. Il faut faire vite et beaucoup. A chaque résident est fixé un objectif chiffré. L'utilisation de la réquisition est possible si nécessaire.
Grâce à la collaboration des élites locales, le recrutement est vite mené, sans résistance. Dans chaque village, ordre est donné aux familles composées d'au moins de deux enfants mâles âgés d'au moins de 18 ans (entre 18 ans et 50 ans) d'en mettre un à la disposition de la métropole. En cas de refus, le père des enfants sera envoyé en prison.
Catroux fixe les objectifs suivants : 50.000 travailleurs indochinois, dont 25.000 au Tonkin, 17.000 en Annam, 5.000 en Cochinchine, et 2500 au Cambodge.
Cet objectif ne sera jamais atteint, notamment en raison de l'absence de place dans les bateaux et de l'arrêt rapide de la guerre en métropole."
"Pierre Angéli estime les effectifs à 6900 pour le Tonkin, 10850 pour l'Annam et seulement 1800 pour la Cochinchine.
Si la plupart fut contraint par cette mesure, un certain nombre fut volontaire pour venir en France, notamment le personnel encadrant (surveillants, interprètes...). Ces engagés volontaires rêvaient de la France, de découvrir ce pays magnifié par les instituteurs.
Entre 1939 et 1940, 20 000 paysans, travailleurs, indochinois ont été enrôlés de force par l’administration coloniale, non pas comme soldats, mais comme ouvriers dans les usines d'armement, afin de participer à l’effort de guerre dans les poudreries, les industries et les usines d’armement françaises."
"L'aménagement des bateaux est fait à la hâte, et d'octobre 1939 à mai 1940, 15 bateaux sont réquisitionnés. Le moral à bord n'est pas brillant. Mal de mer, nourriture de mauvaise qualité, aménagement sommaire des bateaux où les indochinois sont "parqués.
La moindre plainte était sévèrement réprimée. "Les cales sont pleines de vomi. "Nous dormons sur des lits superposés, sur trois étages. Le personnel encadrant se compose d'officiers de l'armée coloniale à la retraite.
"Ils nous considèrent comme des sous-hommes : dès que quelques chose ne va pas, on reçoit un coup de pied ou une gifle". Pour autant, pas de mutinerie.
Débarqués à Marseille, ils passent leur première nuit à la prison des Baumettes qui vient d'être construite. 19.276 arriveront à Marseille.
"Ces hommes ont été arrachés à leur pays, et exploités pendant des années par la France de l'époque, tant par le régime de Vichy que par la France libérée."
Une main d'oeuvre à bas coût
"Dès le début, les autorités françaises avaient pris conscience qu'ils avaient recruté non pas des ouvriers mais des paysans, et qu'ils ne pouvaient pas espérer obtenir qu'ils occupent des postes d'ouvriers spécialisés.
On les a appelés les "ONS" (ouvriers non spécialisés).
Le service de la main-d’œuvre indigène (M.O.I.) qui gère ces hommes au sein du ministère du Travail, décide de louer cette main d’œuvre à des entreprises privées (usines de textiles, industries métallurgiques, scieries, exploitations agricoles...) ou à des collectivités locales pour des travaux de voiries, d’assèchement de marais, de coupe de bois, etc...
L’employeur passe un contrat avec la M.O.I. et lui verse une somme correspondante au nombre d’ouvriers et de journées travaillées. Le prix est avantageux, puisque exempté de charges sociales.
Pendant toutes ces années, la M.O.I. a encaissé l’argent sans jamais le redistribuer aux travailleurs indochinois, qui, mal nourris, mal logés et souvent mal traités, reçoivent des indemnités journalières équivalentes au dixième du salaire de l’ouvrier français de l’époque".
1940, Don est emmené de force
Patrick raconte :
"Mon père a été emmené de force. Un enfant par famille... Il avait 20 ans, préparait son bac et parlait le Français. Le gouvernement français de l'époque par l'intermédiaire des gendarmes français qui sont passés dans tout les villages et prenaient un garçon.
Ce que mon père m'a toujours dit c'est qu'il était parti très rapidement (pas le choix). Il a été embarqué le 11 Mars 1940 à Haiphong, à bord du "André Lebon".
Il m'a dit que cela avait été très dur, que des Indochinois se sont jetés par dessus bord, ils ne supportaient pas."
P.BA
Le "André Lebon" un paquebot des messageries maritimes lancé en 1913. Il effectuait des voyages postaux sur la ligne d'extrême orient. Pendant la première guerre, il avait été réquisitionné pour le transport des troupes, puis avait repris son activité civile sur la ligne Marseille - Yokohama. En 1939 il est requisionné à nouveau pour divers transports. (voir ICI).
Don et ses compagnons arrivent à Marseille le 10 Avril 1940.
En France
"Après ces longues semaines de voyage, ils sont immatriculés par le service de la main d’oeuvre indigène et mis à disposition du régime de Vichy. Envoyés à travers la métropole dans des établissements appartenant à la Défense nationale, c'est principalement dans les poudreries qu'ils furent utilisés.
Les établissements qui souhaitaient utiliser de la main d'oeuvre s'adressaient au ministère de l'armée qui relayait la demande auprès du Ministère du Travail dont dépendait la "MOI", le service de la" main-d’œuvre indigène".
A Sorgues, matricule ZTM209
Sorgues, une petite ville du Vaucluse située à la sortie d’Avignon, dont l’activité essentielle tournait autour de son immense usine de poudres et d'explosifs.
De 1940 à 1941, Don est incorporé dans la 47 ème Compagnie des travailleurs indochinois du camp de Sorgues. Le vaguemestre, c'est le militaire chargé du service postal.
Jusqu'à 4.000 Indochinois ont vécu dans les trois camps que comptait cette petite commune, à quelques kilomètres au nord d'Avignon.
"Ils étaient logés dans de petits bâtiments de briques construits rapidement, aux toitures à deux pans couvertes de tuiles plates, qui faisaient ressembler ces endroits à des cités ouvrières. L’hiver, dans ce pays où ils étaient indigènes selon la formule de l’époque, ils allaient les mains et les pieds bleuis, sans vêtements chauds pour se défendre du froid. On les surnommait les « Nanaï » ou les « nyakoués », et on ajoutait "Ils s’appellent tous N’Guyen Van quelque chose... allez donc vous y reconnaître..."
De Hoang Trung à la France
En 1944, Don est incorporé comme sergent-chef dans le 1er bataillon de Villeurbanne des FTPF (Francs-tireurs et Partisans français), formation de combat créée en 1942 en zone occupée. Les FTPF constituaient les unités de guérilla et de sabotage. En savoir plus sur les FTPF : ICI
Fin de l’autorité française en Indochine
Mariage
Son fils me raconte :
Après la Première Guerre mondiale, la possibilité de faire venir une main-d'œuvre des colonies est anticipée : en 1926 paraissent les premiers textes qui seront complétés en 1934. On ouvre la possibilité de créer en cas de guerre un service de main d'œuvre indigène (MOI). Ce service dépendrait du ministère du travail chargé de recenser les besoins en ouvriers dans les usines participant à l'industrie de guerre.
Quatre ans plus tard, la loi du 11 juillet 1938 précise "l'organisation générale de la nation pour le temps de guerre". Mais le sort de la main d'œuvre coloniale est renvoyé à des règlements administratifs : "Des règlements d'administration publique déterminent les conditions dans lesquelles la loi sera applicable à l'Algérie et aux colonies." (Art 65).
La loi précise par ailleurs : "En vertu du principe que "tous les Français non soumis aux obligations militaires peuvent être réquisitionnés" (loi de 1938, art 14), en cas de refus, la punition sera une peine allant de 6 jours à 5 ans d'emprisonnement.
Point important, cette loi précise que la réquisition "ouvre droit à traitement et salaires (...) fixés sur la base des salaires normaux et courants (art 15)."
Dès la première semaine de 1939, Georges Mandel, ministre des Colonies lance une véritable campagne de presse martelant son objectif de faire venir des colonies deux millions de soldats et 500.000 travailleurs.
Par sa proximité géographique, l'Algérie aurait dû être la principale source de main d'œuvre. Mais les colons s'y opposent. Finalement, les Indochinois seront 20.000 et les Algériens à peine 6000."
Le recrutement en Indochine
L'ordre est donné à l'administration de l'Indochine de recruter dans chaque village un nombre déterminé d'hommes.
Je cite :
"Le Général Catroux, Gouverneur Général, lance le recrutement localement. Il faut faire vite et beaucoup. A chaque résident est fixé un objectif chiffré. L'utilisation de la réquisition est possible si nécessaire.
Grâce à la collaboration des élites locales, le recrutement est vite mené, sans résistance. Dans chaque village, ordre est donné aux familles composées d'au moins de deux enfants mâles âgés d'au moins de 18 ans (entre 18 ans et 50 ans) d'en mettre un à la disposition de la métropole. En cas de refus, le père des enfants sera envoyé en prison.
Catroux fixe les objectifs suivants : 50.000 travailleurs indochinois, dont 25.000 au Tonkin, 17.000 en Annam, 5.000 en Cochinchine, et 2500 au Cambodge.
Cet objectif ne sera jamais atteint, notamment en raison de l'absence de place dans les bateaux et de l'arrêt rapide de la guerre en métropole."
"Pierre Angéli estime les effectifs à 6900 pour le Tonkin, 10850 pour l'Annam et seulement 1800 pour la Cochinchine.
Si la plupart fut contraint par cette mesure, un certain nombre fut volontaire pour venir en France, notamment le personnel encadrant (surveillants, interprètes...). Ces engagés volontaires rêvaient de la France, de découvrir ce pays magnifié par les instituteurs.
Entre 1939 et 1940, 20 000 paysans, travailleurs, indochinois ont été enrôlés de force par l’administration coloniale, non pas comme soldats, mais comme ouvriers dans les usines d'armement, afin de participer à l’effort de guerre dans les poudreries, les industries et les usines d’armement françaises."
Il sont expédiés en fond de cale vers la métropole
La moindre plainte était sévèrement réprimée. "Les cales sont pleines de vomi. "Nous dormons sur des lits superposés, sur trois étages. Le personnel encadrant se compose d'officiers de l'armée coloniale à la retraite.
"Ils nous considèrent comme des sous-hommes : dès que quelques chose ne va pas, on reçoit un coup de pied ou une gifle". Pour autant, pas de mutinerie.
Débarqués à Marseille, ils passent leur première nuit à la prison des Baumettes qui vient d'être construite. 19.276 arriveront à Marseille.
Une main d'oeuvre à bas coût
"Dès le début, les autorités françaises avaient pris conscience qu'ils avaient recruté non pas des ouvriers mais des paysans, et qu'ils ne pouvaient pas espérer obtenir qu'ils occupent des postes d'ouvriers spécialisés.
On les a appelés les "ONS" (ouvriers non spécialisés).
Le service de la main-d’œuvre indigène (M.O.I.) qui gère ces hommes au sein du ministère du Travail, décide de louer cette main d’œuvre à des entreprises privées (usines de textiles, industries métallurgiques, scieries, exploitations agricoles...) ou à des collectivités locales pour des travaux de voiries, d’assèchement de marais, de coupe de bois, etc...
L’employeur passe un contrat avec la M.O.I. et lui verse une somme correspondante au nombre d’ouvriers et de journées travaillées. Le prix est avantageux, puisque exempté de charges sociales.
Pendant toutes ces années, la M.O.I. a encaissé l’argent sans jamais le redistribuer aux travailleurs indochinois, qui, mal nourris, mal logés et souvent mal traités, reçoivent des indemnités journalières équivalentes au dixième du salaire de l’ouvrier français de l’époque".
1940, Don est emmené de force
Patrick raconte :
"Mon père a été emmené de force. Un enfant par famille... Il avait 20 ans, préparait son bac et parlait le Français. Le gouvernement français de l'époque par l'intermédiaire des gendarmes français qui sont passés dans tout les villages et prenaient un garçon.
Ce que mon père m'a toujours dit c'est qu'il était parti très rapidement (pas le choix). Il a été embarqué le 11 Mars 1940 à Haiphong, à bord du "André Lebon".
Il m'a dit que cela avait été très dur, que des Indochinois se sont jetés par dessus bord, ils ne supportaient pas."
P.BA
Le "André Lebon" un paquebot des messageries maritimes lancé en 1913. Il effectuait des voyages postaux sur la ligne d'extrême orient. Pendant la première guerre, il avait été réquisitionné pour le transport des troupes, puis avait repris son activité civile sur la ligne Marseille - Yokohama. En 1939 il est requisionné à nouveau pour divers transports. (voir ICI).
Le "André Lebon" en 1940 -Collection Louis Mousset |
En France
"Après ces longues semaines de voyage, ils sont immatriculés par le service de la main d’oeuvre indigène et mis à disposition du régime de Vichy. Envoyés à travers la métropole dans des établissements appartenant à la Défense nationale, c'est principalement dans les poudreries qu'ils furent utilisés.
Les établissements qui souhaitaient utiliser de la main d'oeuvre s'adressaient au ministère de l'armée qui relayait la demande auprès du Ministère du Travail dont dépendait la "MOI", le service de la" main-d’œuvre indigène".
A Sorgues, matricule ZTM209
Sorgues, une petite ville du Vaucluse située à la sortie d’Avignon, dont l’activité essentielle tournait autour de son immense usine de poudres et d'explosifs.
De 1940 à 1941, Don est incorporé dans la 47 ème Compagnie des travailleurs indochinois du camp de Sorgues. Le vaguemestre, c'est le militaire chargé du service postal.
Jusqu'à 4.000 Indochinois ont vécu dans les trois camps que comptait cette petite commune, à quelques kilomètres au nord d'Avignon.
"Ils étaient logés dans de petits bâtiments de briques construits rapidement, aux toitures à deux pans couvertes de tuiles plates, qui faisaient ressembler ces endroits à des cités ouvrières. L’hiver, dans ce pays où ils étaient indigènes selon la formule de l’époque, ils allaient les mains et les pieds bleuis, sans vêtements chauds pour se défendre du froid. On les surnommait les « Nanaï » ou les « nyakoués », et on ajoutait "Ils s’appellent tous N’Guyen Van quelque chose... allez donc vous y reconnaître..."
Extrait de :
http://www.etudessorguaises.fr/index.php/les-guerres/109-les-annees-noires
En 1940 à Sorgues
http://www.etudessorguaises.fr/index.php/les-guerres/109-les-annees-noires
En 1940 à Sorgues
Don est en veste blanche au 3 ème rang, derrière la personne qui a une pochette blanche |
Don est au premier rang, assis, le deuxième en partant de la gauche |
Moi, je me suis étonnée de voir sur ces photos que m'envoyait Patrick, que Don et ses compagnons, étaient super élégamment habillés sur ces photos.
Je lui ai posé la question.
"C'est très simple, m'explique Patrick, je l'ai appris lors de nos rencontres avec l'association des enfants de ces travailleurs. Les Indochinois sont très fiers et ils faisaient croire à leurs familles que ici ils étaient très heureux et gagnaient beaucoup d'argent.
Et nous, nous avons été tous dans le même type de relation, nos pères ne nous ont jamais parlé de cette époque et ce que vous pouvez lire aujourd'hui, il n'y a que deux ans que nous avons appris cela. C'est Joêl Pham qui a travaillé pour trouver et retracer tout cela."
P.BA
Je lui ai posé la question.
"C'est très simple, m'explique Patrick, je l'ai appris lors de nos rencontres avec l'association des enfants de ces travailleurs. Les Indochinois sont très fiers et ils faisaient croire à leurs familles que ici ils étaient très heureux et gagnaient beaucoup d'argent.
Et nous, nous avons été tous dans le même type de relation, nos pères ne nous ont jamais parlé de cette époque et ce que vous pouvez lire aujourd'hui, il n'y a que deux ans que nous avons appris cela. C'est Joêl Pham qui a travaillé pour trouver et retracer tout cela."
P.BA
De Hoang Trung à la France
La défaite de la France
"La défaite de la France en juin 1940, surprend tout le monde autant les travailleurs indochinois que les Français. Et le travail dans les poudreries cesse brutalement.
Les Vietnamiens arrachés de force à leur pays et mal traités depuis, sont la plupart indifférents face à la victoire allemande. Ils ignoraient tout de l'Allemagne et d'Hitler, cette guerre n'était pas la leur. Depuis 1941 ils n'avaient plus de nouvelles de leurs familles par suite de l'occupation japonaise.
La plupart des ONS se retrouvent évacués en zone sud.
Rapatrier la main d'oeuvre
Rapatrier la main d'oeuvre
Après l'arrêt de la guerre, le "contrat" que la France avait passé avec sa main d'œuvre coloniale devait prendre automatiquement fin. Il convenait donc de rapatrier ces hommes dans leur pays d'origine.
Il semble que tous les Africains du Nord aient été rapatriés rapidement mais seuls 4.400 travailleurs vietnamiens furent renvoyés dans leur pays en 1941.
Quelques milliers des travailleurs indochinois sont rapatriés. Mais dès l’été 1941 l'Angleterre bloque toutes les voies maritimes vers l'Extrême Orient et le rapatriement n'est plus possible. 14 000 ONS indochinois se retrouvent bloqués en France. La quasi totalité des indochinois sont regroupés dans des immenses camps dans le sud de la France, dont ceux de Mazargues, Sorgues, Venissieux .
Les premiers retours volontaires des Vietnamiens dans leur pays n’ont eu lieu qu’en 1948. On estime à environ un millier le nombre d'ONS qui décidèrent de rester en France, essentiellement à la faveur d'un mariage."
Don est resté en France
De 1942 à 1943 il devient surveillant à l'usine de soie d'Izieu (Loire). Le fait qu'il parlait le Français l'a probablement aidé pour être affecté à ce poste.
Le 10 mars 1943, il est décoré de la médaille du travail.
De 1942 à 1943 il devient surveillant à l'usine de soie d'Izieu (Loire). Le fait qu'il parlait le Français l'a probablement aidé pour être affecté à ce poste.
Le 10 mars 1943, il est décoré de la médaille du travail.
En 1944, Don est incorporé comme sergent-chef dans le 1er bataillon de Villeurbanne des FTPF (Francs-tireurs et Partisans français), formation de combat créée en 1942 en zone occupée. Les FTPF constituaient les unités de guérilla et de sabotage. En savoir plus sur les FTPF : ICI
Fin de l’autorité française en Indochine
"En septembre 1940 les Japonais avaient attaqué Lang Son, le 18 mai 1941 Haïphong, et installé des forces dans toute l’Indochine.
Le 9 mars 1945, le coup de force japonais fait disparaître l’autorité française en Indochine, et le 11 mars, l’empereur Bao Daï proclame l’indépendance du Vietnam.
Le 2 septembre 1945 à Hanoï, Hô Chi Minh proclame la République démocratique du Vietnam et l’indépendance du pays."
L'après guerre
Une fois la guerre terminée, Don a travaillé de 1945 à 1946 à l'usine de soie "TASE" (Textile Artificiel du Sud-Est), à Vaulx-en-Velin dans le Rhône, où l'on transformait la cellulose en soie artificielle.
Entre 1946 et 1950, il est surveillant à l'usine T.A.R. à Neuville-sur-Saône (Rhône) au bord de la Saône, à 15 km de Lyon.
Entre 1946 et 1950, il est surveillant à l'usine T.A.R. à Neuville-sur-Saône (Rhône) au bord de la Saône, à 15 km de Lyon.
Mariage
Son fils me raconte :
"Mon père était au cantonnement de Neuville-sur-Saône. Ce cantonnement se situait derrière l'épicerie tenue par mes grand parents, et comme mon père parlait Français c'était lui qui partait faire les achats à l'épicerie pour tout le cantonnement. Il y a rencontré ma mère. Ensuite il était plutôt beau garçon ce qui lui facilita le travail ! "
P.BA
Don se marie le 31 Décembre 1948 avec Eliane Grizon.
"Ma mère avait 16 ans quand elle est tombé enceinte. Ils se sont mariés de toute urgence et seulement avec deux témoins car mon grand père maternel était très en colère et surtout que c'était "avec un Immigré".
P.BA
Ils auront trois enfants, Patrick né le 16 Juin 1949, Brigitte née le 1er Août 1951, et Eric né le 21 Février 1966.
P.BA
Don se marie le 31 Décembre 1948 avec Eliane Grizon.
"Ma mère avait 16 ans quand elle est tombé enceinte. Ils se sont mariés de toute urgence et seulement avec deux témoins car mon grand père maternel était très en colère et surtout que c'était "avec un Immigré".
P.BA
Ils auront trois enfants, Patrick né le 16 Juin 1949, Brigitte née le 1er Août 1951, et Eric né le 21 Février 1966.
Patrick enchaîne :
"Il y avait une grande différence d'âge entre lui et ma mère, il avait 12 ans de plus que ma mère. Mais pour le peu de temps que je l'ai cotoyé pendant 16 ans et demi, je l'ai toujours vu faire beaucoup de tâches ménagères à la maison et aussi la cuisine. Il était extraordinaire et impitoyable au niveau de notre éducation, il nous disait toujours qu'il nous fallait travailler plus que les autres car nous étions issus de l'immigration".
P.BA
Eliane et Don |
"Des erreurs sur l'écriture du nom de mon père ont eu lieu à certains moments".
P.BA
Naturalisation
En 1950, Don demande sa naturalisation française.
"Quand mon père a voulu rester avec la nationalité française, et malgré que ces Indochinois aient été emmenés de force en 1940, ils lui ont demandé à l'époque des dizaines de documents injustifiés. Quand nous voyons qu'il a fait parti des FFI sur un document d'incorporation !!"
P.BA
Décembre 1948 à Lyon |
Patrick termine le récit :
"Mon père est décédé de maladie professionnelle en 1967 à 47 ans laissant 3 enfants agés de 17 ans pour moi, 15 ans pour ma soeur Brigitte, et de 1 an pour mon jeune frère Eric. Ma mère est décédée en Février 2012 à 80 ans."
"Mon père est décédé de maladie professionnelle en 1967 à 47 ans laissant 3 enfants agés de 17 ans pour moi, 15 ans pour ma soeur Brigitte, et de 1 an pour mon jeune frère Eric. Ma mère est décédée en Février 2012 à 80 ans."
Je remercie Patrick Ba pour m'avoir cédé les photos de son père et pour son témoignage.
Le site web http://belleindochine.free.fr/ImmigresDeForce.htm pour les informations historiques.
Le site web http://belleindochine.free.fr/ImmigresDeForce.htm pour les informations historiques.
Pour d'autres contacts, il existe ce site : http://www.travailleurs-indochinois.org
Copyright © : Les photos et documents officiels de Ba Don m'ont été cédés gracieusement par son fils Patrick Ba et lui sont personnels. Toute demande d'utilisation autre doit être faite en utilisant la fonction "commentaire" de cet article.
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